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vendredi 15 mars 2013

Le procès.

  Un monde méconnu









  Le procès

        La file s'étire sur cinq dizaines de mètres, dense, bigarrée, tapageuse, discordante et indisciplinée. Un peu à l'écart, les neuf jolies dames Lapin bavardent gaiement sous le regard attendri des policiers. Un peu avant huit heures trente, les hautes portes du palais de Justice s'ouvrent et la foule redevenue docile et patiente, canalisée par les agents de police, pénètre à l'intérieur. Les chanceux qui ont obtenu une autorisation officielle pour assister aux débats, traversent rapidement la salle des pas perdus et se présentent devant les portes fermées de celle de l'audience.
        Levé tôt dans un ciel d'azur jaloux de sa couleur, le soleil a promis une douce chaleur et une radieuse journée. La justice et les défenseurs de la loi, ont voulu faire du procès Lapin, fixé au seize septembre, un exemple contre les libertins de tous poils et pour éviter un débordement durant les audiences, les autorités ont pris la décision de mettre en place un cordon de sécurité autour du tribunal. Aux premières heures du jour, la police prend possession des lieux et interdit la circulation à proximité du bâtiment. Attirés par l'espérance de gros gains, des forains ont envahi à l'aube la place libérée par les autos. Aux côtés d'une grande quantité de nourriture et de boissons, sont proposés  des tee-shirts à l'effigie de Séraphin Lapin et de ses épouses ainsi que les caricatures de l'avocat général et de Maître Blaireau.
        L'espace de quelques minutes, la salle des pas perdus cesse de l'être, piétinée par des dizaines de chaussures impatientes. Un employé ouvre les battants de la salle d'audience après une attente de courte durée et le public se rue sur les sièges. Une partie ne trouve pas de place et doit rester debout ou, s'asseoir sur un carré de mouchoir derrière la dernière rangée de chaises. Mesdames Lapin prennent place au milieu de la deuxième rangée et la presse est représentée par Sidoine Corbeau, le talentueux chroniqueur de l'Echo de la Feuille de Chou. Quelques notables sont là aussi, sans doute attirés par le pouvoir de séduction de Lapin. Ils se reconnaissent, se saluent d'un geste de la main ou d'un sourire, se disent des banalités, mais surtout pas le but inavoué de leur présence dans les lieux. Les curieux restés dehors, errent autour des étals, calment leur faim et leur soif, font des emplettes, échafaudent un simulacre de procès, avancent des théories abracadabrantesques, parient sur les chances de Lapin ou soudoient un policier pour qu'il ferme les yeux sur leur tentatives d'intrusion frauduleuse dans le tribunal.
        L'agitation dans la salle d'audience a atteint des sommets lorsqu'à neuf heures l'huissier entre et annonce d'une voix forte :
  - La Cour ! Aussitôt les clameurs, les conversations indiscrètes, les noms d'oiseaux échangés entre partisans et adversaires cessent et le public se lève dans un bruit de chaises déplacées. L'honorable Juge Honoré Lehibou entre suivi de ses assesseurs, du greffier et de l'avocat général Obut Laroquette. Le public se rasseoie et reprend ses divergence sur un mode chuchoté. Le Juge ajuste ses lorgnons, parcourt hâtivement un feuillet remis par le greffier et fait retentir son maillet non, sans avoir observé au préalable, Mesdames Lapin souriantes, un foulard aux mêmes couleurs autour du cou. Dans le silence obtenu il annonce :
  - Faites entrer l'accusé !
Sous le regard de dizaines d'yeux, Séraphin Lapin apparaît entre deux gendarmes. Il subit placidement l'inquisition des regards, adresse un signe de tête à ses épouses et suit docilement ses gardiens jusqu'au banc de l'infamie, sur lequel tous trois prennent place.

        Séraphin Lapin a été arrêté tôt un matin au domicile d'une de ses épouses après une calomnieuse dénonciation pour polygamie. La lettre du délateur anonyme a révélé un auteur à la personnalité jalouse et aigrie. Si le nom  du dénonciateur reste inconnu, celui du vaniteux Gatsby Lepaon, dit "le grincheux", n'est un mystère pour personne. Envieux des succès de Séraphin, il a profité de l'arrestation de son voisin pour déposer une plainte contre Lapin qui selon lui, contrevient à la loi sur le mariage et atteinte aux bonnes moeurs lorsqu'il s'exhibe aux bras de ses épouses. L'enquête policière a été succincte et expédiée avec une étonnante célérité. Le cousin Roger Lelièvre a de tout temps craint les médisances sur la réputation de Lapin et redouté une arrestation. La nouvelle sitôt connue, il a contacté les relations de celui-ci et les siennes pour soutenir son cousin et pris pour défenseur Maître Blaireau, le plus célèbre avocat de la ville dont la première tâche, a été de confier au détective Victor Lorna, le soin d'enquêter dans le voisinage proche de Lapin.  L'affaire a fait grand bruit dans la ville et les journaux ont en fait leurs choux gras. Lapin a tenu la "Une" quelques temps avec d'invraisemblables articles. L'administration pénitentiaire embarrassée par le cas Lapin, n'a su dans quel quartier l'emprisonner. Aussi a-t-il bénéficié d'un régime de faveur, d'une cellule individuelle et d'une semi-liberté à l'intérieur de la prison. Séraphin Lapin a passé le plus clair de ses journées, sa promenade terminée, dans la bibliothèque où sa culture a été appréciée. Il a accepté d'assumer la fonction de bibliothécaire et les prisonniers n'ont pas hésité à le consulter pour le choix d'un ouvrage. Il a mis à profit son incarcération, pour rédiger un essai sur la polygamie chez les mammifères lagomorphes. Deux fois par semaine, Lapin a rencontré le Juge d'instruction au palais de Justice, et son avocat lui a souvent rendu visite. Il a été autorisé un après-midi à accueillir deux épouses.

        Le prévenu est à peine assis entre ses deux gardiens que Mesdames Lapin se lèvent comme un seul homme, dénouent leur foulard, l'agitent au-dessus de la tête et clament "Séraphin, nous sommes avec toi !" L'intervention des épouses déclenche l'hilarité du public et la fureur d'Honoré Lehibou qui fait retentir son maillet si violemment que le manche se brise. Après deux secondes de flottement, se saisissant de l'une de ses chaussures, il poursuit le martèlement, ce qui n'a pour effet que d'ajouter aux rires. Exaspéré par la désobéissance du public, le juge frappe plus fort et crie :
  - Je vous demande de vous taire !
Le silence est rétabli après le dernier gloussement d'une poule rousse qui agitant ses ailes, caquetait bruyamment. Le greffier se lève, ajuste une paire de lunettes trop grande pour son nez et lit l'acte d'accusation .
 - Le sieur Séraphin Lapin, ci-devant présent est accusé principalement de polygamie, au titre de l'article de loi 433-20, du code pénal et accessoirement d'attenter à la morale et aux bonnes moeurs par une vie de débauche .
        L'avocat général Obut Laroquette a attendu patiemment la fin de la lecture, le retour du greffier à son siège et le bémol des gloussements de la poule rousse pour prendre la parole et se lancer dans un violent réquisitoire qui n'en finit plus. Il conclut sa diatribe par : "La parole est à l'avocat de la défense ".
        Maître Blaireau se lève, adresse un signe rassurant à son client et quelques effets de manche à l'intention du public. Satisfait de sa démonstration, il se rapproche du banc des jurés, sourit à chacun d'eux, désigne de sa patte antérieure, Séraphin Lapin et leur dit :
 - Mesdames et Messieurs, regardez-le bien et n'oubliez jamais cette figure, car elle est celle de la bonté . A la fin des plaidoiries, l'on vous demandera de vous prononcer sur la culpabilité ou l'innocence du citoyen Lapin, que l'avocat général vous a dépeint comme la plus ignoble des crapules . Il demanderait presque  sa tête si la peine capitale n'eu été abolie .
Maître Blaireau supprime un faux pli de sa robe et regagne sa place à la surprise générale par la brièveté de son intervention . Honoré Lehibou, ajuste ses lorgnons sur l'extrémité de son bec et dit de sa voix grave venue du fond de la nuit :
 - Faites entrer le témoin de l'accusation .
         Gatsby Lepaon entre, sa queue déployée en un éventail arc-en-ciel. Il avance jusqu'à la barre des témoins, le regard hautain et sa queue refermée. Mesdames Lapin l'observent un bref instant méprisantes, tandis que l'écervelée poule rousse attirée par la banane et les rouflaquettes, le couve du regard. L'huissier attend que le témoin termine sa parade, toussote et annonce : - Jurez de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, dites, je le jure !
Lepaon lève son aile droite et dit :
 - Je le jure !
Obut Laroquette prend la suite de l'huissier, s'approche, pose une main sur la barre des témoins et demande à Gatsby Lepaon :
 - Quelle est votre profession Monsieur Lepaon ?
 - Premier mannequin chez Père Dodu.
 - Voudriez-vous dire à la cour, quels sont vos rapports avec l'accusé ?
 - Aucun ! Nous sommes simplement voisins.
 - Pour quelle raison avez-vous déposé une plainte contre votre voisin ?
 - Ce monsieur,- il désigne Lapin - passe le plus clair de son temps à gambader au bras d'une nouvelle femelle. C'est agaçant et offensant à la fin. On ne sait pas comment il gagne son argent et où trouve-t-il, tout cet argent, oisif comme il l'est.
Obut Laroquette sourit satisfait et s'adressant à Maître Blaireau, lui dit :
 - Maître, le témoin est à vous.
L'avocat se lève, fait ses effets de manche, rassure son client par un geste et se rapproche du témoin.
 - Monsieur Lepaon, dénoncez-vous souvent vos voisins ?
  - Pas que je sache ! J'ai pour principe de respecter leur vie privée.
  - Vous est-il arrivé d'envoyer une lettre anonyme pour dénoncer un citoyen ?
  - Objection votre Honneur ! Rugit Obut Laroquette. - L'avocat de la défense veut faire endosser  au témoin la responsabilité d'une lettre anonyme.
  - Objection accordée. Maître, voulez-vous poursuivre ?
  - Monsieur Lepaon, êtes-vous marié ?
 - Je suis célibataire .
 - Avez-vous une fiancée ?
 - Non !
 - Alors une petite amie ?
  - Non rien de cela !
  - Vraiment ? Voyons, réfléchissez ?
Alors que la poule rousse caquète d'indignation, ulcérée par les derniers dires du témoin, un grand jars blanc crie : "Menteur !" tandis qu'Obut Laroquette bondit.
 - Objection votre honneur, le témoin n'a pas à répondre à des questions purement personnelles .
 - Accordé ! Maître, veuillez vous en tenir strictement aux motifs de l'accusation.
L'avocat jette un regard courroucé en direction d'Obut Laroquette penché sur le décolleté de sa secrétaire, se tourne vers le juge, le regard adouci et dit : - Je voudrais  démontrer à la cour, que le témoin a des raisons personnelles d'en vouloir à mon client .
 - Maître, je vous en prie !
 - Je n'ai plus de questions votre Honneur .
Le talon de la chaussure d'Honoré Le hibou résonne à nouveau.
 - La séance est levée, l'audience reprendra à quatorze heures .
        Lapin encadré par ses gardiens retourne dans la souricière, l'avocat général réussit à détacher le regard de la générosité de sa secrétaire et s'entretient avec Maître Blaireau, le grand jars blanc parvient à se rapprocher de la poule rousse dans la cohue et la prend par son aile. Mesdames Lapin quittent la salle d'audience après le départ des derniers traînards et du jars qui papotait encore avec la poule rousse.

        Quatorze heures est loin lorsque l'audience reprend. Mesdames Lapin retrouvent leurs chaises , Sidoine Corbeau a rempli deux carnets à dessin et pris une autre place. La poule rousse caquète joyeusement avec le grand jars, Honoré Lehibou a un nouveau maillet et s'en sert pour obtenir le silence. Le greffier a troqué ses grandes lunettes pour des montures ridiculement petites et la secrétaire d'Obut Laroquette a un chemisier plus sage, Maître Blaireau a changé de robe et retrouvé ses habituels effets de manche. L'accusation n'ayant eu qu'un témoin à présenter, la Cour passe rapidement aux témoins de la défense. Maître Blaireau fait venir à la barre le détective Victor Lorna .
 - Monsieur Lorna, vous avez enquêté à ma demande. Voulez-vous dire à la Cour en quoi cela a consisté ?
 - Savoir en quoi la vie de Monsieur Séraphin Lapin porte préjudice à la bonne moralité citoyenne.
 - Qu'avez-vous découvert ?
 - Au terme de mon enquête auprès des voisins et de l'entourage de Monsieur Lapin, un seul individu est offensé.
Satisfait et souriant, l'avocat se tourne vers Obut Laroquette et après trois effets de manche destinés au jury, il annonce :
 - Le témoin est à vous !
 - Monsieur Lorna, vous jouissez d'une excellente réputation en tant que détective que je ne mets pas en doute. Voulez-vous je vous prie, dire à la cour le nom et la profession de la personne offensée par l'attitude tapageuse de Monsieur Lapin ? Questionne l'avocat général.  - Je regrette ! Je suis tenu au secret professionnel.
 - Voyons Monsieur Lorna, vous vous devez d'aider la justice !
Maître Blaireau réagit aussitôt.
 - Objection votre Honneur, l'avocat général ne peut forcer le témoin à rompre un secret professionnel.
Dédaignant les débats, le grand jars blanc ne s'intéresse plus qu'à la poule rousse qui glousse de temps à autre. Le Juge assène le maillet pour obtenir un peu de silence et répond : - Objection accordée,
 - Je n'ai plus de questions votre Honneur ! dit Obus Laroquette qui a voulu affaiblir l'enquête du détective .
 - Témoin suivant ! lance la voix nocturne d'Honoré Lehibou .
Daîsy Lapin, une jolie brunette et la première épouse de Séraphin avance jusqu'à la barre des témoins. L'huissier procède au classique bla-bla puis cède la parole à Maître Blaireau. Ce dernier tend un feuillet à sa secrétaire, une grue sèche à l'air pincé, laisse planer le froissement de trois effets de manche, risque un regard en direction d'Obut Laroquette refroidi par la décence de sa secrétaire et s'approche de Madame Lapin. Il adopte une attitude chaleureuse et d'une voix douce interroge le témoin.
 - Madame Lapin, Voudriez-vous dire à la Cour depuis combien de temps vous êtes mariée à Séraphin Lapin ?
 - Cela fera bientôt neuf ans.
 - Vous souvenez-vous du lieu où a été célébré le mariage ?
 - Tout à fait ! Avant la cérémonie au temple, nous sommes passé par la mairie.
Maître Blaireau se tourne vers l'avocat général et dit :
 - Le témoin est à vous !
Celui-ci abandonne sa secrétaire drapée d'un zeste de pudeur et remplace à la barre des témoins Maître Blaireau qui retrouve sa grue.
 - Madame Lapin, je vous rappelle que vous êtes encore sous serment . Dites-nous comment se comporte votre mari avec vous ?
 - Séraphin est un bon père et un excellent mari, doux et attentionné .
 - Jamais de querelles ?
 - Quelques désaccords sans plus .
 - Je n'ai plus de questions votre Honneur !
Obut Laroquette jette un oeil apitoyé à la secrétaire de l'avocat de la défense avant de regagner sa place. Le Juge s'adresse à Maître Blaireau.
 - Maître, avez-vous d'autres témoins ?
 - Oui votre Honneur, j'aimerais citer à la barre Séraphin Lapin.
Les paroles de l'avocat de la défense sont suivies du rire gras du grand jars blanc  et des gloussements indiscrets de la poule rousse. La voix nocturne et le maillet d'Honoré Lehibou résonnent aussitôt dans le prétoire.
  - Un peu de silence où je fais évacuer la salle.
        Derrière la barre des témoins le prévenu prête serment. Maître Blaireau qui a attendu que l'huissier ait terminé, ne peut résister à ses effets de manche.
 - Monsieur Lapin êtes-vous un homme heureux ?
 - Ce qu'il y a de plus heureux .
 - Vous sentez-vous coupable d'un tel bonheur ?
 - Nullement !
 - Je n'ai plus de questions votre Honneur, le témoin est à l'avocat de l'accusation .
Obut Laroquette dévisage lapin un long moment avant de demander :
 - Combien d'épouses avez-vous ? Sans la moindre hésitation le prévenu lui répond :
 - Je suis le père de quarante-cinq enfants et le mari de neuf épouses.
Le public manifeste son admiration par une bruyante clameur aussitôt réprimée par le maillet et la voix nocturne du Juge.
 - Silence dans la salle !
 - Ai-je bien entendu ? Voudriez-vous répéter pour la cour ?
L'avocat de la défense intervient si rapidement qu'il en oublie ses effets de manche.
  - Objection votre Honneur, le témoin a répondu à la question !
 - Objection accordée .
 - Je n'ai plus d'autres questions votre Honneur.
Honoré Lehibou jette un regard discret à la pendule et annonce :
 - L'audience reprendra demain matin à neuf heures pour les plaidoiries.

        Les portes de la salle d'audience s'ouvrent à l'heure dite et le public entre en grand désordre. Les notables sont retournés à leurs affaires, frustrés de n'avoir pu connaître le secret de Lapin. Le grand Jars et la poule rousse ont cédé leurs places à deux jeunes tourtereaux, impressionnés par la solennité du lieu. Mesdames Lapin, tout aussi jolies et parfumées que la veille ont retrouvé leur place au deuxième rang et le chroniqueur Sidoine Corbeau s'est rapproché dans l'éventualité de les interviewer. La cour s'est installée et le brouhaha cesse à la demande d'Honoré Lehibou. L'avocat  général est guilleret et sa secrétaire radieuse porte une robe moins chaste. La secrétaire de Maître Blaireau est plus revêche que la veille, porte un vêtement d'homme et observe sans retenue derrière de grosses lunettes de myope, les jolies dames Lapin. Obut Laroquette attend la fin du vacarme pour se lancer dans un interminable réquisitoire qui n'a de succès que le désintérêt du public et la manifestation de son impatience. Le Juge étouffe un baillement et la secrétaire d'Obut Laroquette glisse à la grue de Maître Blaireau un billet dont la lecture empourpre ses joues. L'avocat de la défense palabre avec son client et se soucie peu des amours de sa secrétaire, Sidoine Corbeau parvient à capter l'attention de Daîsy Lapin et croquer son portrait. Le douzième juré noircit une grille de mots croisés tandis que sa voisine, une oie du Périgord n'a d'yeux que pour les bacchantes frémissantes de l'orateur. L'avocat général termine sa plaidoirie en requérant à l'encontre de Séraphin Lapin neuf années d'emprisonnement et quatre cents cinq mille euros d'amende .
         Maître Blaireau se lève à son tour, lisse ses manches d'un geste rapide, se rapproche des jurés, sourit à chacun d'eux, se tourne vers l'assistance et comme s'il voulait capter son attention dit :
  - Il n'est pas dans mes habitudes de promettre que demain, on rasera gratis . Après quoi il attendit que les rires s'évanouissent pour enchaîner sur les dernières paroles d'Obut Laroquette et poursuivre par l'article de loi sur la polygamie.
 - ...D'un point de vue pénal, le fait de contracter un mariage sans que le précédent ne soit dissout est un délit passible de sanctions. C'est bien l'acte de se marier alors qu'on l'est déjà, qui est un délit et non pas le fait d'être marié avec plusieurs personnes. Etat de fait qui lui n'est condamné par aucune loi. Dans une affaire médiatisée d'avril 2010, il est apparu qu'un individu peut être marié et civilement monogame tout en étant religieusement marié à plusieurs femmes. Il ressort à l'issue de ce procès que Séraphin Lapin a bien contracté un unique mariage civil avec madame Daîsy Lapin. En conséquence je demande la relaxe immédiate de mon client ..
A la fin de la plaidoirie de l'avocat de la défense, Honoré Lehibou, annonce que la cour se retire pour délibérer et lève la séance .

        A la reprise de l'audience, le rang des curieux a grossi et ceux qui  n'ont pu trouver de place à l'intérieur, encombrent la salle des pas perdus. Le Juge a bien du mal à obtenir le silence. Son maillet est proche de la rupture et sa voix menace de faire évacuer la salle. Le silence est établit après une valse d'hésitation et un juré remet au greffier la conclusion des délibérations qui le tend au Président de la cour. Honoré Lehibou parcourt le document, se lève et lit à haute voix le verdict.
 - Attendu que le sieur Lapin n'a commis aucune infraction au regard de la loi. Attendu que le sieur Lapin par sa générosité prolifique contribue au développement de l'humanité, la justice le déclare innocent des délits qui lui sont reprochés....


    Août 2010, Emile LUGASSY. 

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